Carnet de Bord
Itineraire | Tous les billets | Billets récents | En Images

Antarctique nouveau disneyland ?

lundi 4 juillet 2016 à 11:29

Nous avons laissé Firiel à Puerto Williams cette année et sommes partis deux mois en antarctique sur Cachoeira avec Juliette et Jackie. Je ne vais pas vous bassiner avec la magnificence de la région, sa faune (pas si prospère qu'on ne le dit), ses glaces, ses rares mouillages, ni la dureté de son climat. Tous ceux qui y sont allés l'ont déjà dit et redit, je me contenterai de rajouter quelques images au flot existant. Vous pourrez les voir ici.

Mais je voudrais quand même dire quelques mots sur ce qui m'a marqué durant le séjour : L'invasion de l'antarctique par les paquebots de croisière. Il ne s'agit pas de dire que tout est gâché par leur présence, mais l'afflux est quand même impressionnant, et un peu agaçant. On le savait bien, à Ushuaia il y a en permanence 2,3 voire 4 paquebots en permanence au quai commercial, la plupart à destination de la péninsule pour une dizaine de jours à chaque rotation, mais je rêvais sans doute encore à la (re)lecture des premiers voiliers qui ont exploré la région.

39037 touristes pour la saison 2015/2016

Et ce sur une saison qui dure de novembre à fin février. En outre tous les paquebots passent aux mêmes endroits concentrés sur la péninsule antarctique. De 100 à 500 passagers qui débarquent d'un coup, on préfère rester à l'écart. Et "profiter" du spectacle. C'est un ballet bien réglé : D'abord débarque un zodiac avec le staff armé de fanions qui vient baliser le parcours, éventuellement retailler quelques marches dans la glace pour les touristes à venir. Le photographe officiel de l'expédition se positionne en bonne place. Puis c'est le ballet des zodiacs qui débarquent leur cargaison, nouveaux manchots en uniformes rouges, jaunes ou bleus, cela dépend. Les passagers font 3 petits tours et rembarquent rapidement pour être à temps pour le déjeuner ou le dîner selon le cas. Le staff rembarque son matériel, puis le bateau repart pour laisser la place au suivant. Et il y a les variantes : promenades en zodiac au pied des glaciers, sorties en kayak, voire séances de plongée sous marine. Le tout organisé, minuté, de la belle mécanique. On reste chaque fois admiratifs.

Et le "terrain de jeu" a été stérilisé sous le couvert de la protection de l'Antarctique. Des anciennes bases anglaises ont été transformées en musées, fort bien faits au demeurant. Les autres bases que nous avons vues, à l'exception notable de Vernadsky ne sont ouvertes que durant l'été et uniquement pour occuper le terrain et prendre date dans l'éventualité de non renouvellement du traité. La péninsule est revendiquée à la fois par les anglais, les argentins et les chiliens. Bien du plaisir en perspective. Tous les artefacts, ruines et détritus antérieurs à la signature du traité sur l'Antarctique sont considérés comme vestiges historiques, avec tout juste le droit de les effleurer du regard. Par contre après, tout ce qui est apporté doit être obligatoirement ôté après usage et ramené au nord du 60ème parallèle. Ce qui fait que l'histoire s'est arrêtée en 1959 et qu'il ne s'est rien passé depuis !

Je passerai rapidement sur les règles draconiennes qui régissent les visites, les délimitations des zones interdites ou avec des règlements spécifiques, leur simple énumération a l'épaisseur du Bottin, sur le formulaire kafkaien à remplir pour obtenir le permis (à fournir avec tous les justificatifs au plus tard 5 mois avant la date prévue du départ), le compte rendu d'expédition qui est un tableur excel, ne fonctionnant que sous windows, à renvoyer impérativement, sous peine d'être interdit d'antarctique la fois suivante, à son autorité de tutelle, les TAAF (terres australes et antarctiques françaises) ...

... et à l'IAATO (international association antarctic tour operators).

Et là on peut se poser des questions. Il suffit d'aller sur leur site, de fouiller un peu pour comprendre que ce sont eux les maîtres du jeu et qui fixent les règles pour tout ce qui est voyages dans la région. Il ne serait pas étonnant qu'il faille un de ces jours passer par eux pour obtenir l'autorisation.

Mais je me fais l'impression d'être un vieux grincheux pour qui "de mon temps, tout était quand même mieux". Le voyage en vaut quand même la peine, car peine il y a malgré tout. La traversée du Drake n'est pas à prendre à la légère, le bateau doit impérativement être au top, gréement, voiles, pilote auto, moteur, un poste de veille intérieur n'est pas un luxe ainsi qu'une étanchéité sans faille de toutes les ouvertures. Un moyen fiable de réception de la météo et des gribs (blu ou satellite) permet de limiter les risques. Plus dans le sud la météo est plus clémente dans l'ensemble, mais les mouillages ne sont pas géniaux à de rares exceptions. Il vaut mieux prévoir large au niveau ancre, chaînes et amarres. Une bonne annexe est aussi indispensable. Ne pas oublier qu'un petit glaçon fait vite 10 fois le poids du bateau et que toute cette glace se déplace vite avec vent et courants. Attention également au problème de l'approvisionnement en eau, les sources ne courent pas les rues, et pour cause. Quant au chauffage, c'est bien agréable, mais gare à la consommation de gasoil. De bons vêtements chauds ont aussi leur intérêt. Et surtout il est indispensable de rester secs à tout prix.

Si c'était à refaire ? Oui, certainement, mais la préparation serait différente maintenant que nous avons vu, de nos yeux vu, les points critiques à surveiller.